Le pouvoir du silence

Quand j’étais gamine, j’enviais les personnes âgées qui portaient un appareil auditif.
Quel pied de pouvoir faire le silence autour de soi quand on le veut !
Ne plus entendre les commérages, le voisin qui fait pipi à 2 heures du mat, les corbeaux sur le toit à 6 heures !
Plus tard, j’en ai encore rêvé...fuir les bruits de la ville ou, sur la plage, les gamins qui piquent une colère et les chiens qui hurlent.
Ado, j’ai eu un copain de classe malentendant.
Jamais je n’aurais osé lui parler de cette envie mais il m’a offert une opportunité le jour où il est venu me demander des nouvelles de ma mère.
J’étais super étonnée...Elle était entrée en urgence à l’hôpital durant le week-end et lundi matin, en pleurs, j’avais expliqué mes angoisses à une copine dans la cour et voilà qu’il venait m’en parler ! Lui que ne je côtoyais jamais (faut dire qu’à l’époque c’était plutôt Walkman et bouquin mes potes de récré)...il a sourit...il m’avait vu pleurer ce matin-là et il avait lu sur mes lèvres.
J’ai trouvé ça sublime et j’ai osé lui expliquer mon rêve de gosse...éteindre le son, couper court à la cacophonie générale quand on le désirait.
Je me suis excusée, aussi...après tout c’était un peu son handicap que j'enviais mais j’ai vu son œil briller et il m’a dit "c’est la première fois qu’un entendant trouve une qualité à ma surdité".
Depuis, on n’est pas devenu ami, non, mais parfois on se trouvait à côté l’un de l’autre pour un cours et sans tabou on parlait du pouvoir du silence.
Son pouvoir, j’aimerais l’avoir aujourd’hui...pas pour le brouhaha ambiant mais pour faire taire les petites voix dans ma tête.
Celles qui papotent, chuchotent, me harcèlent depuis quelques jours.
Celles qui me racontent des histoires noires, qui m’étreignent le cœur, qui me réveillent la nuit et me maintiennent éveillée des heures.
J’aimerais appuyer sur l’interrupteur, histoire de retrouver un peu de sérénité.
Même broder ne m’apporte pas la paix...je me surprends à serrer les dents pendant mes jeux d’aiguille.
Pourtant, j’avance dans mes commandes...

Mais impossible, elles ont toutes une opinion à faire entendre.
Alors samedi, j’ai pris les choses en main et pour m’offrir quelques heures de répits, j’ai cuisiné.
C’est le seul moment où j’oublie tout, vraiment tout et puis ce jour-là, nous avions 13 ans à fêter avec namoureux.
Ce fut donc la bonne excuse pour me mettre aux fourneaux.

En entré, un millefeuille de pomme de terre, bacon et fromage de chèvre (avec un pointe de vinaigre balsamique et du romarin du jardin).

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Pour suivre, filet de lotte farci aux champignons, le tout enroulé dans une tranche de lard.

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Lever de soleil sur le vin d’Anjou.

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Et pour finir une tarte au chocolat avec son croquant d’amandes effilées et de caramel.

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Même que c’était la première fois que je faisais du caramel.

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Ainsi j’ai eu la paix une partie de l’après-midi et de la soirée.

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Bon, durant la nuit le bidou m’a bien fait comprendre qu’il n’avait paaaaas du tout apprécié certaines choses mais je m'en fiche, pour le coup, cette fois-ci, ce ne sont pas les voix qui m’ont tenue éveillée. ;op

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